archeo1Au cœur du pays du Saulnois et au bord de la Seille se dresse fièrement Moyenvic. Située entre Vic-Sur-Seille et Marsal, la commune de Moyenvic n’a pas la renommée de ses célèbres voisines. Cependant, elle fut autrefois une cité réputée, convoitée par les puissants, car elle abritait dans ses murs des salines. Le sel était autrefois une denrée rare et chère, seul moyen de conservation des aliments et le sous-sol moyenvicois en possédait en abondance. L’exploitation du sel à cet endroit remonte environ au VIIème siècle avant JC. Les Celtes fabriquèrent les premières salines ; des grands fours en forme de U sur lesquelles on posait des bassines pour faire évaporer la saumure (eau+sel) et récolter ensuite le sel dans des récipients en terre cuite plus petits.

planC’est du reste sur les débris de ces récipients que Moyenvic est construit. Des centaines de ces fours ont été retrouvées le long de la Seille et font l’objet actuellement d’un programme international de recherche archéologique. Plus tard l’évaporation de l’eau salée se fera dans des poêles à sel en fer au centre de structures plus importantes que les seigneurs puis les Evêques de Metz, les Ducs de Lorraine et enfin le Roi de France allaient se disputer. De cette époque il ne reste plus que la porte d’entrée des Salines.
Ce bâtiment est le dernier témoin d’une activité qui a fait la richesse de Moyenvic : la fabrication du sel. La Saline de Moyenvic’étendait sur une surface d’environ six hectares dans la partie nord du village.
Elle possédait ses propres fortifications. Elle était constituée de cinq poêles rectangulaires de 9 m sur 8. L’eau salée provenait d’un puits de 17 m de profondeur, garni d’un encadrement en bois et isolé sur son pourtour pour éviter les infiltrations. Il était alimenté par 7 sources. La teneur en sel était de 12 à 13 %. La saumure était élevée par une pompe à chapelet (chaîne sans fin de maillons métalliques) actionnée par trois chevaux se déplaçant au trot.

En 1745, un saumoduc fut même construit pour amener une saumure plus concentrée en sel depuis Dieuze. Des troncs de chênes creusés à la tarière furent emboîtés sur une distance de treize kilomètres. Les agriculteurs en retrouvent quelquefois des morceaux lorsqu’ils effectuent des travaux de drainage sur leurs exploitations. En 1789, dans le cahier de doléances de la ville de Moyenvic, on peut lire ceci à l’article 6 : Que les eaux du puits principal des salines de Moyenvic, et dont on ne fait plus d’usage pour la formation des sels depuis qu’on y a introduit dans les salines les eaux du puits de Dieuze, parce qu’elles sont plus riches en salion, soient exactement et continuellement extraites, afin d’éviter le dommage que leur reflux et exhaussement dans le puits, faute d’en être tirées, causent dans les prairies voisines qui sont devenues stériles depuis ce reflux.

puitsUne fois remontée du puits, la saumure est stockée dans des réservoirs appelés « bessoirs », elle est ensuite dirigée vers les poêles par un système d’écheneaux (conduites de bois).

Trois poêles sur les cinq fonctionnaient en même temps et en continu, les autres étaient à l’arrêt comme relais, pour permettre les réparations et les révisions. La mise en route s’effectuait donc alternativement.

Dans les poêles à sel, l’eau s’évapore lentement sous l’action du feu entretenu par les ouvriers ; les « salineurs ».

Le sel est ensuite prélevé par les « socqueurs » qui le posent sur des claies. D’autres employés le stockent ensuite dans des magasins à sel. Le sel séjournait sept à huit jours dans les bancs (petits magasins à côté des poêles à sel) et demeurait ensuite six semaines en magasin pour y acquérir son dépôt avant la livraison.

Cette opération se nommait « une cuite ».

Soixante-dix personnes travaillaient en permanence sur le site de la saline. 14 employés à l’entretien des poêles 42 salineurs et socqueurs 2 contrôleurs des cuites 2 contrôleurs des bancs 2 contrôleurs des bois 2 gardes à cheval 2 employés de secrétariat 1 portier 4 officiers A cette liste, il faut ajouter le personnel des activités annexes (louage des chevaux, charrois, etc.)
Un chapelain permanent viendra s’y ajouter lorsqu’en 1730 on érigea une chapelle à l’intérieur de la saline. Payé par le roi, possesseur de la saline, il percevait un salaire de 300 francs par an, 1 demi de sel, deux cordes de bois et 500 fagots.
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poelePour alimenter les poêles, le combustible utilisé fut uniquement le bois. Une cuite nécessitait vingt-trois stères de bois. Il arrivait des forêts environnantes de Paroy, Réchicourt, Fribourg, Gondrexange, Lagarde et au-delà. Il était amené par chariots et déversé dans les étangs de Fribourg, d’Omeray et l’étang de Bru près de Donnelay. Le canal de flottage de l’Eaudonaire, c’était son nom, permettait ensuite d’acheminer les troncs jusqu’à Moyenvic.

Avant la cession de la Lorraine au royaume de France, la saline de Moyenvic alimentait en sel les populations des Trois Evêchés, Metz, Toul et Verdun. A partir de 1760, la production de la saline de Château-Salins suffisant pour couvrir les besoins intérieurs, la production de celle de Moyenvic était exportée vers l’étranger fournissant le sel au Luxembourg, au Palatinat, au margraviat de Bade, en Suisse et même au Wurtemberg. En 1789, cette exportation atteignait 100 000 quintaux. Le sel était débité à la mesure et non au poids. La mesure-type était le muid, qui se subdivisait en 16 vaxels ou 256 pots ou 512 pintes ou en 1024 chopines. Ce n’est qu’à partir de 1750 que la vente au poids fut acceptée par les « gens de la chambre des comptes ». Ajoutons encore que les unités de mesure et de poids variaient suivant les lieux et les auteurs, ainsi en certains endroits le muid de sel valait 912 livres (1 livre = 0,4895 kg), à d’autres il était traité à 704 livres et il valait 800 livres pour la vente à l’étranger.

Sous la Révolution les salines nationales furent confiées à une régie locale, puis en l’An VI, le Directoire afferma les salines à une compagnie-association qui prit le nom collectif de Salines de l’Est.

En 1831, la compagnie des anciennes salines royales de l’Est comprenant celles de Dieuze, Moyenvic dans la Meurthe, Salins, Montmorot dans le Jura, Arc-et-Senans dans le Doubs ayant décidé de concentrer toute la fabrication du sel à Dieuze, arrêta la production à Moyenvic. La Saline n’était plus rentable !
En 1843, la saline fut mise en vente.
 
Le comte Yumuri (déjà propriétaire des salines de Dieuze, Vic et Saléaux) l’acheta et reçut l’autorisation par le gouvernement d’établir neuf poëles à sel en 1847.
 
La saumure saturée à 25° provient d’un trou de sonde creusé dans l’enceinte de la saline et surlequel est placé une pompe aspirante élévatoire mue par une machine à vapeur de la puissance de deux chevaux. Le nombre des hommes employés comme ouvriers est de 13. On produit alors à Moyenvic 22000 quintaux de sel. La houille devait servir de combustible pour le chauffage des poëles. En janvier 1897, l’exploitation cesse à Moyenvic.

Extrait du journal "Le Lorrain" du 21 janvier 1897 : l’exploitation de la saline de Moyenvic a été suspendue depuis le commencement de l’année et la plupart des ouvriers ont été congédiés. Bien que ceux-ci trouvent de l’occupation dans la saline de Château-Salins, la fermeture de celle de Moyenvic cause cependant un certain préjudice à la population. Les bassins sont démontés et certains bâtiments détruits.

Elle fut ensuite démantelée et vendue à différents propriétaires. La destruction presque totale du village en 1944 par les bombardements américains fit disparaître les quelques bâtiments encore debout. Seule la porte d’entrée résista.

Après la deuxième guerre mondiale, cette porte servit d’entrée à l’église provisoire du village. Plus tard, elle fut utilisée comme silo à grain.

La porte a été récemment achetée par la commune. La couverture et les façades ont été restaurées.